Aux petits soins des clochers, ils en sont, en quelque sorte, les médecins et les garants. Ils, ce sont les campanistes. À l’église Sainte-Marie de Wittenheim, ils sont intervenus durant deux journées, cette fin octobre. « C’est un beau chantier, on en a quelques-uns comme ça par an », apprécie au pied de l’édifice Antoine Raullet, patron de l’entreprise Campanes’Est. « Personne ne grimpe là-haut, nous sommes un peu les yeux des cloches [sourire]. Elles sonnent toutes les heures, elles s’usent ! »
Un travail d’équipe
Les campanistes étaient accompagnés de leurs collègues et voisins cordistes d’Acromax (les deux enseignes siègent à Ostwald dans le Bas-Rhin). Ces derniers étaient visibles par les riverains pendant les opérations, suspendus dans le vide à environ 40 mètres de hauteur au niveau du cadran. « Ils ont remis les chiffres en peinture noire, explique Antoine Raullet. La mairie a choisi la couleur, c’était doré d’origine. »
Pendant que les cordistes travaillaient à vue, les campanistes s’affairaient à l’ombre, de l’autre côté de l’horloge. Il était plus simple de grimper par les escaliers en béton à l’intérieur. Un certain luxe. « Parfois, il n’y a qu’une échelle de meunier, voire pas d’échelle du tout. »
Profession rare et ultra-concurrentielle, où la confidentialité est reine, le campaniste s’occupe, la majorité du temps « des cloches, des horloges, des paratonnerres d’édifice. Le principal, c’est l’entretien, la maintenance ». Restauration et entretien sont donc le cœur du métier.
Changement de moteur
À Sainte-Marie, il n’était pas question de faire briller les trois cloches qui composent le clocher. Mais on n’était pas loin de l’opération à cœur ouvert. C’est au niveau de l’horloge que des manipulations étaient nécessaires. Installés juste derrière le cadran, les spécialistes ont dû retirer le moteur central, « qui entraînait les quatre cadrans. La pignonnerie était cassée ».
La solution ? Passer d’un moteur à quatre. « Quatre moteurs indépendants derrière la minuterie des cadrans. » Le campaniste, une touche-à-tout qui doit s’adapter en toutes circonstances. « On fait l’électricité, les moteurs. On touche aussi le bois, l’horlogerie, la serrurerie, etc. »
Ils touchent à tout en effet, même à l’administratif, cette spécialité française. « Ça fait partie des démarches, lâchent avec un grand sourire Antoine Raullet. Par exemple, il a fallu couper les antennes 5G [présentes sur l’édifice, NDLR]il fallait joindre les cinq opérateurs. Il y a de gros formulaires. »
Mais pas de quoi décourager ce véritable passionné. Il reviendra dans un an, pour l’entretien, « graisser les minuteries, faire des essais ». Une petite visite de contrôle, en somme. « On est là pour préserver les cloches et augmenter leur durée de vie. On est un peu les docteurs de la cloche. »
Un métier passion
Selon l’Institut pour les savoir-faire français, il ne serait plus que 300 à exercer le métier de campaniste, ce spécialiste de l’ingénierie des clochers. Pour environ « 300 000 cloches dont 4 500 cloches classées ». Un secteur où la concurrence fait rage. La société Campanes’Est a été lancée en 2023 à Ostwald. Antoine Raullet a choisi de franchir le pas. « Cela faisait une bonne dizaine d’années que je m’intéressais à la mécanique des cloches. C’est une passion. Et naturellement, j’ai eu l’opportunité de reprendre du matériel à la suite d’une retraite. »
Depuis, il a notamment pu bosser sur « de beaux sites », comme la cathédrale de Dijon ou encore celle de Bourges. C’est un véritable savoir-faire qu’a développé le Bourguignon d’origine, au contact du terrain. « Il n’y a pas d’école, on apprend sur le tas avec les anciens. La base, c’est l’électricité. Mais on fait aussi bien de la serrurerie que de l’horlogerie. » Et ce n’est qu’un petit panel des réalisations à maîtriser. « À chaque fois, il y a des choses différentes à faire. Tous les jours, c’est un environnement et un paysage différent. A l’occasion de travailler sur des monuments historiques. Chaque église est différente. C’est un beau métier. »
